Revue Hypnose

Thérapie individuelle centrée sur le problème, thérapie de couple ou familiale ?

Revue Hypnose et Thérapies Brèves 27
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En Chinois l’idéogramme « crise » a deux significations: danger et opportunité.

La vignette clinique qui suit met en évidence comment une thérapie centrée sur la résolution d’un problème peut aboutir à modifier le pattern de fonctionnement de toute une famille. C’est par le biais d’un symptôme physiologique, qui n’est pas à confondre avec le problème en lui-même, que démarre la demande thérapeutique. C’est à la lumière de la thérapie brève ou stratégique selon le modèle de Palo Alto que la thérapie est menée: le problème est la solution.

Celui qui tente de contrôler la peur ou l’angoisse provoquera par son évitement une aggravation du problème. En effet, le fonctionnement du cerveau humain amène celui-ci à appliquer des solutions qui lui paraissent rationnelles, mais qui en réalité sont tout à fait irrationnelles. G. Bateson parle, quant à lui, de but conscient. Le moteur de la thérapie est d’aider le patient à stopper ses tentatives de solution (TS) inopérantes pour résoudre sa difficulté.

Le symptôme (qui n’est pas le problème)

Dans cette vignette, ce qu’on entend par symptôme est ce que le DSM IV nomme un trouble anxieux de type « attaque de panique ». Il altère gravement la qualité de vie d’une  dame proche de la quarantaine, mariée et mère de trois enfants. Celle-ci présente des épisodes de tachycardie sévère pour laquelle son médecin traitant lui a prescrit des  bêtabloquants. Ces épisodes sont très angoissants pour elle et sont accompagnés de vertiges avec peur de tomber en syncope. L’utilisation des bêtabloquants s’avérant insuffisante, le médecin lui propose de consulter un psychothérapeute.

La mise à jour du problème et la manière dont il a été solutionné illustrent dans le cas présent la théorie de la TS. La patiente est confrontée à un symptôme physiologique qui rend la recherche de la TS plus complexe. La tachycardie dont elle se plaint n’est pas en réalité le problème. Il est la conséquence d’une peur basée sur une croyance. La patiente craint que, si elle cesse de porter secours à certains de ses proches, des conséquences dommageables apparaîtront à cause de sa non intervention. Sa TS est donc son interventionnisme, qui ne règle pas le problème et qui plus est induit une perte de compétence chez les personnes auxquelles elle évite de se confronter. Ce qui la pousse à intervenir de plus en plus et l’épuise.

La stratégie

La stratégie thérapeutique consistera à l’amener à faire l’expérience qui lui fera découvrir qu’elle peut abandonner ses TS. Le changement de comportement à 180° de cette personne induira la résorption de son symptôme et mettra fin à une boucle rétroactive qui maintenait aussi une difficulté chronique chez son mari. Une conséquence non négligeable du changement d’attitude de la patiente, puis de celle du mari, sera in fine la reprise sous contrôle de la relation avec les enfants.

Comme cela arrive souvent, cette personne est orientée par son médecin de famille, en qui elle a confiance. Elle vient dans une logique de traitement médical. Elle dit que son médecin a insisté pour qu’elle consulte un psy. Elle est donc dans une position d’attente d’une espèce de remède qui mettrait fin au symptôme. Or, on le sait, le succès de la psychothérapie est favorisé par la demande explicite du patient. Ce qui ne signifie pas qu’elle n’ait pas de demande mais qu’elle sera, dans un premier temps, dans l’attente de ce remède. De plus, elle exprime sa perplexité quant à sa présence chez le psy. Elle est cependant d’accord « d’essayer ».

Elle fournit deux informations-clés: son entourage lui dit qu’elle en fait trop, et son médecin traitant qu’elle est trop stressée. Elle confirme que ce qui la stresse est qu’elle ne peut s’empêcher de se préoccuper du bien-être de tous les membres de sa famille. Elle s’empresse de rajouter qu’elle ne voit pas le lien entre cette préoccupation et ses symptômes de tachycardie et évoque plutôt un conflit stressant entre ses parents, séparés récemment, conflit vis à vis duquel elle se sent incapable de prendre des distances. Ceux-ci se sont séparés à la suite d’une rencontre faite par l’un d’eux.

Elle raconte qu’elle ne peut s’empêcher d’intervenir entre eux, et parle d’un sentiment de culpabilité qui la pousse à s’en occuper. Elle a le sentiment de « pédaler dans la choucroute ». Elle tente d’apporter un soutien à sa mère « abandonnée », et celle-ci est sourde à ses conseils. De plus, elle a le sentiment de trahir son père. Elle tente d’être médiatrice et échoue dans ce rôle. Une prudente intervention de notre part consiste à paraphraser ce qu’elle dit, et à mettre en évidence les émotions suscitées par la situation qu’elle décrit. En substance, nous lui disons que cela doit être dur de voir ses parents se séparer sur le tard dans une dynamique de trahison, de garder une bonne relation avec les deux, ou encore d’assister au désarroi de sa mère qui se sent complètement perdue et dépendante comme une petite fille.

A ce moment, elle aborde l’autre situation qui la stresse: l’incapacité de son mari à gérer leurs trois enfants. Chaque jour, lorsqu’elle rentre du travail, elle intervient de manière à reprendre les choses en main. Là aussi, les sensations qui dominent sont les sentiments de culpabilité et de peur. Elle a le sentiment que si elle n’intervient pas, quelque chose va arriver par sa faute car elle n’aura pas fait le nécessaire.

Observer

Sa plus grande préoccupation du moment reste l’état de dépression et de dépendance de sa maman. C’est ce qui la stresse le plus. Sa façon à elle d’affronter ce stress est de s’en occuper davantage. Mais elle ne comprend pas pourquoi surviennent ces épisodes de tachycardie. Nous lui proposons une tâche d’observation. Etant donné qu’elle a peur, nous lui proposons d’être uniquement dans l’observation et de ne rien tenter qui serait trop effrayant pour elle, selon le principe suivant : qui donne un poisson chaque jour sera tenu d’en donner pendant de longues années avec la conséquence possible que le don doive se perpétuer. Ce à quoi elle répond que cela lui parle. En effet, plus elle donne des conseils de bons sens à sa mère, moins elle les suit, et plus elle a le sentiment de se faire rabrouer. Fort de cette expérience nous ne lui proposons rien de plus que d’observer  les réactions de sa mère à ses propositions, et de noter dans un cahier de bord ses pensées, ses sensations, ses émotions. Ce qu’elle accepte de faire.

Traverser l’océan à l’insu des nuages 

A ce stade, la tactique sera basée sur la confiance que la patiente a dans le diagnostic de son médecin: elle est trop stressée. Sa bonne relation avec ce dernier sera privilégiée, ce pour asseoir notre stratégie qui s’oriente vers l’arrêt de toutes ses TS, c’est-à-dire ses interventions auprès de ses parents comme de son mari par peur que sa non-intervention produise l’irréparable. Puisqu’elle ne fait pas de lien avec son symptôme, nous n’insistons pas. Comme le dit si bien la maxime chinoise : « Ne rien faire pour que rien ne soit pas fait ».

A la  séance suivante, la dame exprime que rien n’a changé. Elle se sent un peu moins stressée mais doit toujours prendre ses médicaments. La fréquence et l’intensité des épisodes de tachycardie demeurent. La question lui est posée de savoir comment elle s’y est prise pour effectuer l’exercice : elle a pris quelques notes, s’est encore efforcée d’aider sa mère mais l’a fait avec difficulté car elle n’a pas le temps du fait des enfants… Elle pense qu’elle pourrait peut-être laisser ses parents se débrouiller sans elle, car il lui semble que ses interventions font pire que bien. Elle prend conscience que s’empêcher d’assister sa mère est très difficile. Nous la freinons, avec l’argumentation que parfois, arrivé à un certain âge, on a besoin de ses enfants comme de nouveaux parents. Ce à quoi elle répond que ses parents sont « loin d’être grabataires ». La même tâche que précédemment lui est proposée.

La fois suivante, elle revient en abordant d’emblée la relation avec ses parents. Elle a maintenant pris conscience que sa maman ne s’en sort pas si mal avec beaucoup moins d’aide, et qu’elle peut reprendre une relation moins jugeante vis-à-vis de son père. Elle rajoute que bien qu’elle se sente moins stressée par la situation, elle a encore ses épisodes de tachycardie.

A la séance suivante, elle déclare qu’elle a compris qu’elle peut réduire l’aide qu’elle estimait devoir apporter sans que cela n’ait de conséquences négatives. Que du contraire ! Elle remarque que sa mère se débrouille plutôt bien par elle-même. Il y a moins de tensions au niveau du couple. Elle se sent plus détendue en présence de son père. Elle revient alors sur la situation avec son mari, qu’elle décrit comme dramatique. Elle parle du stress qu’engendre chez elle le fait de laisser son mari seul avec les enfants. Elle le décrit comme totalement incapable de s’en occuper seul ; il est comme un quatrième enfant.

Dès qu’elle rentre de son travail, elle prend les choses en main et remet du cadre. On retrouve ici les même TS que précédemment, basées sur la même croyance et sur la peur : « Si je n’interviens pas, par ma faute il va se produire quelque chose de grave ». Jusqu’à ce qu’elle commence à modifier son attitude vis-à-vis de ses parents, elle est restée incapable de se rendre compte que son attitude aggrave la situation plutôt que de l’améliorer. Nous  pouvons maintenant commencer à recadrer ses tentatives de solutions car nous pouvons nous baser sur ses observations.

 

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