Revue Hypnose

L’inattendu, force de changement. Ressentis patient/thérapeute.

Revue Hypnose et Thérapies Brèves 56
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 Revue Hypnose & Thérapies brèves n°56
Dr  Sylvie LE PELLETIER-BEAUFOND 

Les situations cliniques dévoilent la créativité thérapeutique.
Les situations cliniques rencontrées en hypnothérapie dévoilent la remarquable créativité thérapeutique que ce contexte suscite, qu’elle soit du côté du patient ou de celui du thérapeute. Les événements sensoriels survenant en hypnose mobilisent en effet de manière pratiquement immédiate les ressources du patient. Le caractère inattendu de surcroît de ces événements, au moins lors de la première séance, est à l’origine pour partie de l’efficacité de ce travail thérapeutique. Une disposition particulière des protagonistes, située entre non-intention et résonance, favorise l’émergence de cet inattendu. Dans cette perspective, la place et la fonction attribuées ou exigées de l’hypnothérapeute permettent à cet inattendu d’être force de changement. Vignette clinique : un fil de laine…



Un jeune homme d’une trentaine d’années présente depuis quelques mois des crises d’angoisse violentes et fréquentes sur fond anxieux permanent. Il décrit des cauchemars toutes les nuits, plusieurs fois par nuit, qui se prolongent dans la journée par une abolition de la frontière entre rêve et réalité. Le déclencheur apparent est une crise de panique accompagnée d’une aphasie transitoire quelques mois plus tôt. Les examens complémentaires montrant dans un premier temps un résultat alarmant se révèlent normaux en fin de compte. Ce patient entreprend une thérapie, à la recherche de l’origine de ses symptômes. Cependant au bout de quelques mois, il décide d’arrêter cette démarche car description ou tentative de compréhension de ses cauchemars, dit-il, ne font que raviver ses angoisses et ancrent son malaise profondément.

A la première séance d’hypnothérapie, sans induction particulière si ce n’est l’invitation à s’installer dans son corps, le patient perçoit une sensation étrange qu’il décrira ensuite : la tête lui semble comme déplacée d’un côté du corps, tandis que ce dernier paraît allongé en suspension de l’autre côté. Il se met à rire, à rire beaucoup. Il est surpris par son rire tout autant que par ses ressentis corporels concrets. Le phénomène ainsi apparu se répète au cours des séances suivantes : la sensation du corps déplacé, suspendu, déformé, et le rire. Au fil de ces séances, les angoisses sont moindres, les cauchemars ne le poursuivent plus, il commence à faire des rêves agréables. Si le patient n’a pas trouvé l’origine de ses crises (s’il en est), le véritable déclencheur lui paraît maintenant évident : l’évocation de la maladie ou de la mort que ce soit à son sujet ou celui d’autrui, et de fait la crainte de la nonmaîtrise du corps.

Dans l’exercice hypnotique, un double événement énigmatique s’est produit judicieusement : perception d’un corps déformé, déplacé et apparition d’un rire incoercible. Le patient se surprend à rire de la non-maîtrise de son corps, et au fil des séances expérimente ainsi sereinement cette non-maîtrise. En parallèle, il apprend, dans « l’exercice », à laisser passer dans le présent les angoisses, autre forme de non-maîtrise. Le patient, très vif et curieux, reste à l’affût, avec une sorte de joie, des inventions nouvelles que son corps peut produire à chaque exercice renouvelé. Les cauchemars disparaissent. Plus tard au cours de la thérapie, il évoque évasivement la lecture d’une bande dessinée dans laquelle les douleurs du héros sont représentées par une bulle qui englobe son corps, bulle qui finit dans l’histoire par éclater faisant cesser les douleurs. La métaphore, si explicitement proposée, est renvoyée par le thérapeute au patient qui s’en saisit : mais dans sa transe, c’est un fil de laine hélicoïdal qui prend la place de la bulle, puis se déplie et finit par se dissoudre dans la paroi de son corps. Au sortir de l’exercice, le patient décrit avec précision, concrètement, physiquement, le contact particulier de ce fil à son corps.

Cette perception, faite d’image et de sensation, hors de toute attente ou contrôle, provoque un nouvel étonnement, nouvel ancrage créé, puissant, qui reviendra tel une ressource spontanée. A chaque fois qu’il en aura besoin, il laissera se déplier ses angoisses jusqu’à leur disparition dans l’épaisseur théde son corps. Au cours des séances suivantes, plus espacées, il fait allusion à d’autres difficultés relationnelles : celles liées à son père handicapé, dont il s’est beaucoup occupé depuis la séparation de ses parents, difficultés doublées d’un fort sentiment de culpabilité mêlé de sentiments négatifs à l’égard de son père ; celles rencontrées avec sa compagne, leurs rythmes de vie incompatibles, les nombreuses crises qui éclatent entre eux. Cependant, les crises d’angoisse sont maintenant rares, il les laisse le traverser et se sert de l’image du déroulement du fil, découvert en hypnose.

Son sommeil est paisible. Quelques semaines plus tard, il décide de se séparer de sa compagne. Triste mais déterminé, il s’adapte doucement à sa nouvelle vie. Parmi les nombreux éléments qui pourraient être relevés dans le déroulement de cette thérapie, ceux qui semblent décisifs dans ce travail, comme très souvent dans les prises en charge en hypnose, interviennent dès la première séance de manière opératoire. En sorte que la thérapie est souvent déjà jouée, si l’on peut dire, dès la première séance où tout est déjà là. Ce patient, on l’apprend, a été fragilisé au cours des dernières années par l’apparition de pathologies parfois lourdes chez des personnes de son entourage, par les troubles graves de son père, et deux décès qui ont eu lieu autour de lui. Son épisode d’aphasie transitoire a mis au jour l’évidence de son impuissance à contrôler son corps ou la survenue éventuelle de maladies, tout autant qu’à agir sur la pathologie de son père. Pourtant, dès la première séance, des sensations physiques, surprenantes, sont apparues : déplacement du corps. Le patient, tout à propos, s’est emparé avec humour et légèreté de ces perceptions étonnantes pour changer quelque chose en lui. Ici, c’est le corps même qui lui a proposé de vivre des sensations autres dans le calme et la tranquillité, sensations qui, dans d’autres circonstances, auraient pu être inquiétantes. Son corps lui fait signe, il découvre qu’il peut en rire. L’exercice hypnotique constitue ici une leçon de l’inattendu qui dévoile au patient des ressources tout aussi insoupçonnées que concrètes et physiques, ressources qu’il retrouve lors des séances suivantes. Devenues familières, il sait les recontacter en tout temps. Il en est de même pour cette autre perception étonnante – le fil de laine – qu’a créée la transformation spontanée d’une suggestion.

C’est dans son corps que les signes, les indices surviennent telles les découvertes de nouveaux possibles, objets d’apprentissage. Le patient s’en saisit pour les utiliser ensuite. Ainsi le rire le libère de son désir de maîtrise de corps, et le fil de laine se dépliant devient un ancrage qu’il convoque facilement. Il n’a rien cherché et s’est retrouvé à mille lieues de ses attentes conscientes ou non conscientes. L’étonnement a fait naître de nouvelles ouvertures, sans qu’un sens en soit donné.... Pour lire la suite... 


Dr Sylvie Le Pelletier BeaufondDr Sylvie LE PELLETIER-BEAUFOND Médecin-psychothérapeute, hypnothérapeute depuis 1991 en libéral. Elle est également thérapeute systémique de famille et de couple. Elle intervient dans le champ professionnel, universitaire. Formatrice, elle reçoit des professionnels en supervision. Formée par Jean Godin à l’Institut Milton Erickson de Paris et par Mony Elkaïm, sa pratique clinique s’inspire de la pensée de François Roustang. Sylvie Le Pelletier-Beaufond est membre du Cercle d’Hypnose contemporaine, de l’Institut Milton Erickson Ile-de- France, et membre de la Société française de Thérapie familiale.

 

 


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