Revue Hypnose

Procrastinations. Dr Thierry SERVILLAT

Revue Hypnose et Thérapies Brèves n°29
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HYPNO-PHILO

Procrastination(s). Dr Thierry SERVILLAT, Président de l’Institut Milton H. Erickson de Rezé (Nantes)

Professeur de philosophie à Stanford, John Perry, procrastinateur lui-même (si nous le croyons) a écrit, sur un mode humoristique, un manuel qui pourra aider bon nombre de nos patients, et aussi pas mal de thérapeutes. Sur un problème souvent qualifié de « stupide », car semblant tout à fait irrationnel (nous dirons acrasique1 pour faire « branché philo grecque »), l’auteur va écrire un livre brillant, grand succès de librairie témoignant, si besoin était, de la difficulté de nos contemporains à gérer leur temps. Car il s’agit bien – je reconnais moi aussi avoir procrastiné pour avoir attendu la 16ème ligne pour le définir, de remettre à plus tard une tâche considérée comme importante.

Le livre commence par un témoignage, récit d’une révélation telle celle de Saint Paul sur le chemin de Damas : l’auteur prend conscience, il y presque 20 ans, qu’il est un « procrastinateur structuré », c’està- dire « un individu capable d’accomplir beaucoup de choses tout en négligeant d’en accomplir d’autres ». Sujet de culpabilité, et peut-être encore davantage, de honte, la procrastination se traite conséquemment en faisant l’objet d’une acceptation inconditionnelle. Jusque-là rien d’original direz-vous, dans « l’art de mettre à profit une faiblesse de caractère ». Oui, mais comment ?

Observons d’abord.

Les procrastinateurs s’adonnent généralement à des tâches utiles mais secondaires, « marginales », et ce dans le but de se soustraire à une activité plus importante. Pour effectuer une tâche pénible, il faut que celle-ci leur permette d’éviter une autre qui l’est encore plus. Vous avez ici un premier indice, mais il est encore trop tôt pour donner la solution.

Etudions d’abord ce qu’essaient de faire généralement les procrastinateurs. « Souvent, les procrastinateurs s’y prennent tout de travers. Ils s’efforcent de réduire leurs engagements et partant du principe que, s’ils ont peu de choses à faire, ils arrêteront de procrastiner et les accompliront enfin ». Compte-tenu de ce qui précède, cela ne peut pas marcher. Et pour vous montrer ma bienveillance, je vais vous donner la réponse (qui ne figure qu’à la 21ème page du livre) qui est une « astuce » :

Dr THIERRY SERVILLAT

Psychiatre. Pratique l’hypnose et les thérapies brèves au CITI (Rezé).

Président de l’Institut Milton H. Erickson de Rezé.

Ancien président de la CFHTB. Formateur et conférencier.

Coordinateur et co-auteur de Psychothérapies : une approche plurielle (Masson).

Ancien Rédacteur en chef d’HYPNOSE & Thérapies brèves.

EDITORIAL : AMUSANT N'EST- CE PAS ? Dr Thierry SERVILLAT

Une des attitudes fondamentales – peut-être la principale - qu’avait Milton Erickson envers la vie était d’essayer de s’amuser (to have some fun). Y compris dans son travail. 

Un thérapeute qui veut s’amuser ? Paradoxe, dirons-nous très vite ! Aider, soigner l’autre est théoriquement un métier… sérieux, ne pensez-vous pas ? 

Comment concevoir cela ? La thérapie aurait-elle à voir avec les Muses et la musique ? Oui sûrement, mais le mot « amuser » ne semble, contrairement aux apparences, avoir aucun rapport avec celles-ci.

POUR UN CHANGEMENT DE TYPE 3 

Stéphanie GUILLOU et Dr Franck GARDEN-BRÈCHE

Rencontre de troisième type avec une infirmière en hémato-oncologie et un algologue urgentiste qui proposent, à partir d’une pratique laissant l’esprit rationnel de côté, une conception nouvelle du changement thérapeutique se situant dans la continuité des travaux de Gregory Bateson menés avec Paul Waztlawick, et basée sur un accueil total de l’émotion naissant de la rencontre. 

L’ACCUEIL BRAS OUVERTS 

La vie nous réserve une constellation de bonnes ou de mauvaises surprises, une succession d’événements, des plus déchirants aux plus exaltants. Toute la question est de savoir comment nous les interprétons et ce que nous choisirons d’en faire. Que nous soyons convaincus que la route de notre destin est déjà tracée ou que nous croyions au libre-arbitre, nos pensées, nos sensations, nos émotions et nos actes sont en perpétuelle interaction avec le monde extérieur. 

QUITTER LA CONTRAINTE POUR RETROUVER SES OBLIGATIONS ! Cynthia DRICI

Certaines demandes de thérapies résultent assez fréquemment d’un sentiment de contrainte qui empêche de vivre. Dans une perspective phénoménologique, l’hypnose est là, disponible, pour aider au dégagement qui permettra au patient de pouvoir de nouveau accéder à ses valeurs. Exploration d’un paradoxe qui n’est qu’apparent.  Lorsqu’un individu décide de consulter un spécialiste de l’accompagnement thérapeutique, il décrit bien souvent, lors la première rencontre, une situation dans laquelle il se sent bloqué, figé. Comme le soulignait Héraclite, « Une seule chose est constante, permanente, c’est le changement ». Le sujet en souffrance, privé de sa dynamique de mouvement, se retrouve alors en incapacité d’agir, en difficultés pour s’adapter à ce monde où trône l’impermanence, submergé par cet immobilisme dont il semble ne pas pouvoir se défaire, en proie à ce qui est décrit comme un déterminisme personnel, inhérent à la nature de chacun.

POUR JOUER AVEC LES LIMITES INVERSER LE SENS. Joël de MARTINO

Variation sur le « Non !... J’déconne… » utilisé par de nombreux adolescents, le texte de l’intervention de Joël de Martino très remarquée lors des Transversales de Vaison la Romaine en 2008 est publiée en hommage à Franck Farrelly.  DÉFINITIONS Déconner (v. intr.) : dire des bêtises, des inepties, ne pas être sérieux (argot) ; exagérer, divaguer, déraisonner ; plaisanter, s’amuser, faire des bêtises, se laisser aller. Etymologie (1883) : de dé-, con-, et suffixe verbal. Le sens initial érotique est vieux ou très rare ; le passage de ce sens (à celui-ci) n’est pas clair (métaphore de « sortir du vagin » ou croisement avec le sens familier : de con : « imbécile ») (Grand Robert). A noter cependant qu’on ne dit pas : « Non ! J’dévagine ! » Ainsi, comme l’écrivait Freud en 1905 dans Le mot d’esprit et ses rapports avec l’inconscient : « Les mots représentent une substance plastique et malléable à merci ; il y a des mots qui, dans certaines combinaisons, ont perdu entièrement leur plein sens primitif, qu’ils ont en revanche gardé dans d’autres » (p. 48). Par exemple, comme le journal CQFD l’écrivait en mars 2005 (N° 21) : « Je me demande si, en employant le mot « enculé » comme nom ou adjectif, on fait forcément référence aux pratiques sexuelles (la sodomie) et à l’intromission anale chère au Figaro. 

EN VIE JUSQU’À LA FIN, ACCOMPAGNER L’HUMAIN. Véronique LESAGE. 

Véronique Lesage, psychologue, pratique une hypnose issue des thérapies humanistes.

Elle nous raconte le chemin fait avec Catherine, malade d’un cancer colique. Un accompagnement utilisant l’hypnose afin de répondre au mieux à l’objectif demandé par la patiente : préserver son humanité.  La pratique de l’hypnothérapie s’inscrit dans un relationnel, un accompagnement singulier entre un professionnel et son patient. Je vous propose une illustration de cette dimension à travers l’histoire de Catherine D., atteinte d’un cancer. Elle est maintenant décédée, et ce témoignage est aussi une forme d’hommage qui lui est rendu. Je rencontre Catherine pour la première fois à l’automne 2008. Elle m’est envoyée pour de l’hypnose par une collègue psychologue qui chante avec elle dans la même chorale. Catherine s’effondre tout de suite en larmes dans le fauteuil, les mains agrippées au siège. « Les temps sont durs pour moi », me dit-elle. Il y a un an, au cours d’un contrôle de routine, un cancer du côlon a été détecté. Une partie du foie est également atteinte (elle a été opérée pour cela) et il reste « trois points » sur une côte, dont l’exérèse a été effectuée la semaine précédente. « Je ne veux pas mourir, je n’ai pas fini ce que j’ai à faire1 ». Elle a trois enfants encore adolescents devant lesquels elle ne s’autorise pas à « craquer » : « Je ne peux pas leur faire ça. Et puis je ne veux pas non plus qu’ils s’apitoient ou gémissent, c’est comme si j’étais déjà vaincue. J’ai besoin de croire que je vais m’en sortir. » Professeur d’arts appliqués dans un lycée parisien, elle a une petite cinquantaine d’années. Son mari est très présent dans cette épreuve, tout en étant lui-même en train de perdre sa mère d’un cancer.

INTERACTIONS THÉRAPEUTIQUES ÉCLAIRAGES DÉVELOPPEMENTAUX. I. CAPPONI ; A. RAMBAUD ; J.P. COURTIAL

Dans la continuité de la réflexion systémique, la compréhension de ce qui se passe en hypnose et lors de certaines approches psychothérapiques peut s’enrichir de nombreux travaux en psychologie de l’enfant. Des recherches qui le plus souvent préexistaient à celles du groupe de Palo Alto.  L’hypnose met en jeu des interactions entre thérapeutes et patients qui vont bien au-delà de la notion psychanalytique de transfert. Il en va de même pour les thérapies dites énergétiques que nous désignerons dans la suite du texte par thérapies interactionnistes. L’hypnose et les thérapies dites énergétiques mettent en jeu des objets médiateurs, concrets ou abstraits (pendule, fétiche, aiguilles, prière, etc.), que nous appellerons, à la suite de la sociologie de la traduction, acteurs réseaux, dans la mesure où ils interviennent à partir de ce à quoi ils sont associés. Ces interactions nous semblent remettre en cause les approches classiques en développement de l’enfant comme celles de Freud et de Piaget centrées sur le sujet et non sur les interactions sociales comme premières dans la construction de soi. D’autres approches du développement de l’enfant partent d’abord des interactions sociales. Nous pensons à celle de Vygotsky travaillant sur le développement intellectuel, et de Winnicott, Bowlby, Serge Lebovici, Daniel Stern, travaillant sur les interactions propres à la petite enfance. A la fois ces approches légitiment l’approche thérapeutique interactionniste et cette dernière les légitime en retour. 

Robert Montaudouin: Bernadette Audrain-Servillat

Originaire de Chartres, Robert Montaudouin a dessiné très tôt. Dans les années 70, poussé par un prof d’anglais il a durant quatre années étudié à l’Ecole des Arts Appliqués et des Métiers d’Art de Paris où il obtient un diplôme en art mural. Il continue son cursus à l’Ecole des Beaux Arts de Paris (atelier de peinture de Gustave Singier). Paris lui plaît peu. Il y travaille cependant quelques temps dans un petit atelier avant de se tourner vers le travail de la terre. Il fait un stage de potier à Besançon et s’installe comme céramiste dans la Loire en 1981. Certaines de ses oeuvres sont acquises par le musée national de la céramique de Sèvres et par le musée de Grenoble. Il pratiquera cette activité durant une quinzaine d’années. Et puis soudain, « le corps ne veut plus faire »…

QUIPROQUO, MALENTENDU ET INCOMMUNICABILITÉ: « Trop bien ! » Dr Stefano COLOMBO

Deux mots qui sont déjà trop pour moi. J’avais déjà de la peine avec le bien et le mal, mais là ç’en est trop. Regardons de plus près et commençons par la deuxième partie, le bien. Je peux dire que j’ai du mal avec le bien alors que la langue française a du mal à me laisser dire que j’ai du bien avec le mal. C’est comme si je pouvais faire le bien un peu plus mal mais pas le mal un peu plus bien ou, si vous voulez, c’est comme si je pouvais faire le bien un peu moins bien mais pas le mal un peu moins mal. Vous conviendrez que nous ne pouvons pas dire mieux. Quand, en plus, vous apprenez que le mieux est l’ennemi du bien vous ne savez plus comment vous situer par rapport au mal. Si le mieux est l’ennemi du bien, puis-je dire que le pire est l’ami du mal ? À première vue, rien ne l’empêche, sauf que si le pire est l’ami du mal cela signifie que le pire est un bien pour le mal ce qui rend contradictoire l’affirmation précédente car le bien ne peut pas être pire que le bien lui-même et, encore moins, être le mieux pour le mal qui, à son tour, se retrouverait pire que le mal lui-même.

CONGRÈS ET CONFÉRENCES 

Tentatives, solutions, logiques. 

Christine GUILLOUX

Compte rendu de Christine GUILLOUX Hors contexte, les mots et les gestes n’ont pas de signification. Gregory BATESON Ordonner le monde ou le désordonner ? Décrire les parties jusqu’à l’infiniment petit ou comprendre les relations, les interactions des parties entre elles, avec les autres, le monde, l’univers ? Lier, délier, relier… Deux journées offertes par l’Institut Grégory Bateson, les 13 et 14 octobre 2012, à Paris, sur le traitement des troubles mentaux par l’approche systémique et stratégique. Deux journées, denses et menées tambour battant, à nous fabriquer des foies gras pour préparer nos voyages, nos migrations et nos apprentissages sans cesse renouvelés. Une belle brochette d’intervenants, à nous faire saliver. Pour n’en citer que quelques uns : Betty Alice Erickson, François Jullien, Giorgio Nardone, Dezsoe Birkas, Wendel Ray, Karen Schlanger. Explorons quelques moments de ce menu dégustation. Une écologie de l’esprit Petite incursion pour plonger dans l’univers de Gregory Bateson, biologiste, écologiste, anthropologue, cybernéticien, philosophe, et comme chacun sait, théoricien des systèmes. Le film que sa plus jeune fille, Nora Bateson, a réalisé présente des extraits des films de Gregory et de Margaret Mead à Bali et en Nouvelle Guinée dans les années 1930, des extraits d’interviews et de conférences, mais également de moments de vie qu’elle a partagés avec lui.

HUMEUR 

Pour une psycho-allergologie. Dr Christian MARTENS

Les médecins s’appuient sur les sciences physiques et biologiques pour expliquer les symptômes. Elles nous permettent d’en déterminer les causes et les conséquences, d’ex-pliquer, c’est-à-dire littéralement de dé-plier les signes dans une série de cause à effet. Mais par souci d’objectivité, celles-ci se refusent à s’interroger sur leur sens, sur les questions relatives au sens de ces signes, à les comprendre. Car comprendre, c’est de l’intérieur, découvrir le sens. On s’efforce de com-prendre, prendre avec, de l’intérieur, par une sorte de sympathie. « Nous expliquons la nature, nous comprenons la vie psychique » nous dit Wilhelm Dilthey (1833-1911). Les sciences humaines, quant à elles, cherchent davantage à comprendre, à saisir le sens d’une réalité humaine, qu’à l’expliquer. Les sciences humaines ne peuvent se contenter d’être explicatives, elles doivent aussi être compréhensives. Ainsi, la psychologie sort de son rôle quand elle explique l’allergie et l’allergologie sort de son rôle quand elle cherche à comprendre l’allergique, mais les praticiens que nous sommes se doivent d’accompagner leur patient dans leur vécu, leur perception et leur interprétation. C’est pour rassembler ces approches complémentaires que nous avons créé, le 17 mars 2011, la Société Française de Psycho-Allergologie (SFΨA). Elle a pour objet d’étudier les liens entre le patient allergique, sa pathologie et son environnement selon ses dimensions psychologique, culturelle, sociale et politique, afin de contribuer par son action à une meilleure qualité de soins grâce à la prise en charge globale du patient.

 

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